Les opticiens sont inquiets : pour combler le déficit de l’Assurance maladie, les mutuelles françaises envisagent de limiter les remboursements des lunettes. Bonne ou mauvaise idée ?
Avec un déficit annoncé de 15 milliards d’euros en 2025, l’Assurance maladie cherche des solutions. L’une d’elles a été évoquée par le président de La Mutualité Française, qui propose de revoir à la baisse les remboursements de lunettes. Mais aussi les règles de remboursement. Actuellement, le délai pour se faire rembourser une monture et de nouveaux verres est de deux ans. Celui-ci pourrait passer à trois ans, si la proposition de La Mutualité Française passe. Ce qui pourrait avoir un double impact : d’un côté, les Français devront prendre moins soin de leur vue. Leurs lunettes, généralement garanties deux ans, seront rapidement usées et il faudra justifier d’une baisse significative de leur vue pour qu’ils puissent écourter le futur délai. D’un autre côté, pour les opticiens, c’est la douche froide : passer le délai de deux à trois ans représenterait une baisse de 30 % des ventes.
La Mutualité Française estime, comme le dit son président, que l’« on est dans une pseudo gratuité où les gens ne se rendent plus compte de combien ça coûte ». Les dépenses de lunettes sont un poste important pour les Français : plus qu’ailleurs en Europe, les Français ne lésinent pas sur les dépenses lorsqu’il s’agit de leur vue. En 2023, le secteur de l’optique en France a enregistré un record avec une croissance de 4,5 % par rapport à 2022, avec des dépenses estimées à 7,8 milliards d’euros. Avec pourtant quelques tentatives d’économies : là où, en 2020, le prix moyen d’une paire de lunettes complète était de 460 euros, deux ans plus tard, ce budget pour un équipement optique complet oscillait entre 280 et 530 euros.
Mais pourquoi les opticiens sont-ils dans la ligne de mire d’Eric Chenut, président de la FNMF (Fédération Nationale de la Mutualité Française) ? Le patron des mutuelles demande « un bilan du 100 % Santé, une remise à plat, dans le cadre d’un vrai tour de table ». Sans le dire, il vise les opticiens qui ne jouent pas le jeu : Une enquête récente montre que les opticiens, et encore plus les indépendants, sont enclins à la fraude : Optic 2000 ou GrandOptical sont en tête du classement des fraudeurs, proposant un surcroît de prestations à payer de la part des complémentaires santé. Cela coûterait, chaque année, 142 millions d’euros pour les consommateurs. Les opticiens historiques ne sont pas étrangers à ce surcoût : en France, le coût des lunettes est le plus élevé d’Europe et les complémentaires ont « contribué à déséquilibrer le marché de l’optique » en « solvabilisant la demande des consommateurs parfois au-delà du raisonnable », selon UFC-Que Choisir.
Le Figaro indique que « les dépenses de santé en France augmentent plus vite que la richesse produite. Cette dépense (DCSI, dépense courante de santé au sens international) a progressé de 20% entre 2019 et 2023, pour peser désormais 11,5% du PIB, contre 11,2% en 2019, selon les derniers chiffres de la Drees (direction statistique des ministères sociaux) ». Quelles solutions s’imposent, donc ?